Tranche de vie 1

Tranche de vie

   Aujourd'hui je vais partager avec vous une partie importante de ma vie au travers d'un récit que j'en ai fait il y a presque quinze ans, terminé en 2007 plus précisément. la totalité puisque j'en ai déjà partagé un extrait sur mon profil FB.

   Pour tous ceux et celles que cela va pouvoir aider ... pour moi, parce que je savais qu'en revenant en Corse quinze ans plus tard, j'allais me trouver face à un nettoyage toujours plus profond d'horreurs que j'ai vécues ici.

   La Corse m'avait déjà appris que les plus belles beautés extérieures n'ont aucune valeur si elles ne sont pas regardées avec les yeux de l'Amour, avec le cœur, et surtout que ta misère fait partie des bagages qui ne te quittent pas tant que tu ne les a pas vidés une bonne fois pour toute, quel que soit le lieu où tu te rends. Je suis en mesure de dire aujourd'hui, même après le passage de la mort. La Lumière qui nous y attend ne sera jamais totalement lumineuse tant que nous sommes alourdis par le poids de ces bagages. 

   Elle m'apprend ce jour que l'on peut pardonner réellement mais que ce n'est pas pour autant qu'il ne reste pas de résidus énergétiques dans nos différents corps, dans ceux de la terre, à nettoyer.

   Les balayer avec les yeux de l'Amour. (Pour exemple, Michaël ne me laissera pas partir de l'endroit où je suis posée aujourd'hui tant qu'il y aura un semblant d'envie de fuite à l'intérieur de mon coeur, il attend que j'y baigne dans le bien-être, que j'y accroche quelques radicelles. C'est ainsi que nous allons nettoyer mon coeur et la terre ... Je comprends pourquoi nous allons rester ici deux mois !!!)

 

   Il y a quelques jours j'ai « rêvé » que je me faisais agresser par plusieurs entités horribles. C'était désagréable, je ne leur en voulais pas mais je ne savais pas comment m'en débarrasser. Jusqu'au moment où l'une d'elles m'a agrippée puis planté ses dents acérées dans le bras, je l'ai arrachée en faisant un « rhooo » agacé mais gentil qui m'a réveillée.

   Je sais aujourd'hui ce qu'il en était et je sais aussi qu'il n'y a que de l'Amour dans mon cœur

 

   Cela fait quelques jours que je suis arrivée en Corse, direction chez mes filles bien sûr. Je me suis garée sur un parking à quelques centaines de mètres de chez elles, après avoir vérifié qu'il n'y avait pas de panneau d'interdiction. Peu de voitures sur le parking, je reste discrète et respectueuse de l'environnement (nature et humains).

   Le troisième soir, nous avons remarqué un panneau d'interdiction aux camping-cars. Mince ! J'ai d'abord cru qu'il m'avait échappé et j'étais sincèrement bien embêtée, avec quand même dans l'idée d'aller voir de plus près s'il était neuf … quoiqu'il en soit nous avions prévu avec Michaël de partir le lendemain.

   Au matin j'ai compris que le panneau avait été installé à la demande d'une personne du voisinage qui a dû être agacée par le fait que j'avais l'air de m'installer là.

   J'ai eu une discussion avec elle et lui ai expliqué que j'étais en visite chez ma fille, du coup elle s'en est plus pris aux autres camping-caristes mais m'a quand même expliqué qu'elle était capable de mettre le véhicule en miettes si quelque chose la dérangeait.

   Je ne me suis pas formalisée car je sais que bon nombre de personnes ont des comportements irrespectueux et je comprends la colère des riverains. J'ai même toujours compris que certains puissent avoir des comportements extrémistes, en l’occurrence en Corse pour préserver l'intégrité de cette île. Je suis bien loin de prôner les comportements violents mais il faut reconnaître qu'ils sont le mode de communication de beaucoup. Sauf que ça n'est pas le mien et que cela m'arrangerait que ce ne soit plus celui de personne afin que nous puissions tous enfin vivre en paix !

   Puis j'ai remarqué une bouteille cassée à côté du camping-car qui n'était pas là la veille et là, par contre, cela m'a fait l'effet d'un électro-choc. Il m'a semblé qu'elle a été cassée rageusement à mon encontre et je me suis sentie agressée, très injustement agressée.

   J'ai alors pris la route avec un mal-être profond qui ne m'a pas quittée de la journée. J'ai pris la route pour le Cap Corse avec cet événement qui tournait et retournait inlassablement dans ma tête, ponctué de crises d'angoisses en arrivant dans des endroits connus que j'ai très vite identifiées comme étant les réminiscences de mon passé corse.

   Je n'ai bien sûr pas vécu cet événement anodin par hasard, il aura déclenché un travail sur moi que je sais indispensable. Ces envies de partir, de rentrer rapidement sur le continent parce qu'en sentiment d'insécurité ici (les panneaux d'interdiction aux camping-cars foisonnent), cette angoisse d'être coincée ici … me réveiller le matin dans le paysage paradisiaque dont j'ai quand même réussi à vous prendre quelques photos (je crois que c'est plus le cadeau de Michaël que le mien), avec le soleil, le chant des oiseaux et le bruit des vagues et ne pas avoir envie de me lever, ne pas me précipiter pieds nus dehors pour ne pas en rater une miette, juste avoir envie de me retrouver seule à l'intérieur de moi et d'être propulsée comme par miracle sur le continent …

   Je le voyais venir depuis quelques temps déjà, il m'a fallu reprendre ce texte salvateur que j'ai écris il y a quelques années afin de toujours mieux évacuer, afin de me libérer et de libérer le sol Corse de ces mémoires énergétiques, je l'espère afin d'aider les uns et les autres car je l'ai trouvé en le relisant plein de « clés » intéressantes …

   En tous les cas cette expérience de vie que je vous partage m'aura permis de grandir infiniment et, si dure a-t-elle été, je n'en remettrais pas une seconde en jeu, ne serait-ce que pour le fait qu'elle m'aura permis de savoir que j'avais envie d'une vie nomade.

   J'ai aussi demandé à Michaël s'il était sûr qu'il voulait que notre pied-à-terre soit ici, car je vous assure qu'hier je n'en avais aucune envie (pour l'instant toujours pas d'ailleurs), mais oui ! Bon, ce ne sera pas la première fois que nous ne sommes pas d'accord et que son choix se révèle être le meilleur, je sais bien que je serai la plus heureuse lorsque cela se fera … et puis tous les corses que je croise par ailleurs sont tellement accueillants, souriants et calmes que je n'en ai nul doute.

 

Merci de me lire et de m'aider, souvent à votre insu, à dépasser ce que j'ai à dépasser. La vie est un partage permanent !!!

 

 

Mahaliah

 

CET HOMME QUI A MARQUE MA VIE … ET MON VISAGE AUSSI !

 

 

   Aujourd’hui, j’ai envie de vomir plusieurs années de mon passé qui, même si elles étaient ponctuées de bons moments, les plus pervers sans doute, hantent mon présent et m’empêchent d’envisager sereinement l’avenir. J’ai juste envie de relater des faits, pour moi, pour lui et nos enfants respectifs, mes amis, et tous les hommes et femmes pour qui l’amour n’est plus synonyme de bonheur.

   Permettre, ne serait-ce qu’à une personne, de se sentir moins seule m’aiderait à accepter. Savoir que malgré nos différences, il existe forcément quelque un pour partager nos expériences me paraît essentiel.

 

   Toute cette violence est inacceptable!

 

Toute forme de violence est inacceptable !!!

 

 

   Moi, j’ai 35 ans en l’année 2000 ; je pense être raisonnablement intelligente, de l’humour, pas mal de charme, j’aime et je respecte la vie, quels que soient les coups bas qu’elle m’ait réservé. J’aime les gens, les animaux, la nature. J’ai le sentiment d’être douée pour le bonheur. Certains de mes amis trouvent même un peu pénible mon côté : « Les fleurs sont belles et les oiseaux chantent », mais c’est moi !

 

   D’ailleurs des amis, des vrais, j’en ai plusieurs, de très longue date, certains depuis l’adolescence.

 

   Élevée dans un milieu de femmes seules, je suis très indépendante.

 

   Enfin, de ma vie amoureuse, je ne garde que de bons souvenirs, malgré des ruptures pas toujours faciles. Mais je suis d’une nature passionnée et crains l’ennui ou la mésentente plus que tout. Il y a tant de choses à vivre et de gens que j’aimerais connaître que ma vie ne me suffira sûrement pas, alors j’évite de l’encombrer de choses négatives.

 

   J’ai voulu croire que rien ne nous était impossible, j’ai accepté, pardonné ! Vraiment ! J’ai cette faculté de tirer aisément des traits sur le passé qui cette fois-ci m’aura desservi.

 

   Mais je me souviens d’absolument tout, et aujourd’hui, je n’accepte plus de l’entendre se plaindre sans cesse de mes « imperfections », de ma façon d’être, sans se remémorer toutes ces humiliations quotidiennes qu’il m’a fait endurer.

 

   A tous ceux, convaincus que l’on ne les y prendra jamais, il faut prendre conscience du « petit à petit » insidieux, de tous ces « petits riens » significatifs que l’on ne laisserait jamais passer si justement ils ne l’étaient pas, des » petits riens « !

 

 

   Notre premier rendez-vous ! Basé sur le mensonge, déjà… !

 

   Nous avions décidé de petit-déjeuner ensemble, alors je lui ai proposé de nous retrouver à neuf heures le matin. Mais il voulait passer du temps avec moi et ça ne lui paraissait pas suffisant, alors j’ai accepté huit heures trente. J’avoue que je m’étais sentie plutôt flattée.

   J’ai compris plus tard qu’il sortait de son travail à 8h30 et cela lui évitait de rentrer chez lui, tout simplement.

   Beaucoup moins romantique !!!

   Au cours de la matinée, alors qu'il avait prétendu ne pas être disponible à midi, il a finalement annulé pour rester avec moi.

Beaucoup moins romantique également lorsque l’on apprend que cette obligation factice était prévue en cas d’un éventuel ennui en ma compagnie.

   Très…Ambiance club de rencontre, je trouve !?! Je n’aime pas les clubs de rencontre !!!

 

   Pourtant NON !!!

 

   Nous avions fait connaissance de façon tout à fait classique s’il en est, dans le cadre de son travail, et nous nous étions croisés plusieurs fois dans des magasins. Nous avions même une amie en commun.

 

   Mais la suite de l’histoire, je ne la connaissais pas encore, et cette journée fut excellente, faite de balades et de grandes discussions où nous nous sommes découverts plein de points communs. Il m’a même proposé, alors que nous étions dans une librairie, d’acheter un livre et de le lire ensemble (?) J’adore lire ! Pas lui !!! Il me semble qu’en six années de vie commune, il n’a pas terminé deux livres sur les quatre qu’il a entamés. Mais cela également, je ne l’ai su que plus tard !

 

   Avec le recul, que de mensonges, déjà, pour une première et si merveilleuse journée.

   Aujourd’hui, il m’apparaît de plus en plus clairement que je n’oublierai pas toutes ces violences si je ne les laisse pas sortir de mes profondeurs. J’aimerai que mes prochaines années soient belles, d’autant plus belles que j’ai le sentiment de les avoir déjà payées !

   Je me rends compte aussi à quel point mes enfants souffrent de mes peurs et de ma culpabilité à leur égard. Mais il y a tant de choses que j’aurai voulu leur éviter ! Alors je leur attribue mes sentiments et les surprotège alors qu’ils ont juste besoin de continuer à vivre.

   Le passé est derrière nous, il me faut l’accepter et maintenant assumer les retombées de mes erreurs, aussi difficile soit-il ! Plus important encore, être vigilante quand à l’avenir.

 

   Continuons notre rencontre ! Le bonheur !!!

 

   Mêmes goûts ! Mêmes envies ! Mêmes rêves ! Et plein de ces petits signes qui vous font penser que cette rencontre fait partie du programme de votre vie… Même région natale (à l’autre bout de la France), jusqu’à la batterie de casseroles, la même, chacun avec celle qui manquait à l’autre !

   Que des « mêmes » !!!

 

   Nous sommes devenus rapidement inséparables. Nous nous promenions passionnément accrochés l’un à l’autre à longueur de journée. Je n’avais jamais eu de gestes de tendresse en public avec personne, mais cette fois-ci, j’étais bien décidée à ne pas contenir mes sentiments, soupçonnant la carapace qui me protégeait jusqu’alors d’avoir contribué à l’échec de mes précédentes histoires d’amour.

 

   Peu de temps après, je suis partie une semaine chez ma grand-mère, en Normandie. Ces vacances étaient prévues depuis longtemps et je n’ai rien voulu y changer.

   Hormis le coup de téléphone signalant mon arrivée, je ne l’ai plus rappelé durant deux jours. Je n’en éprouvais pas le besoin et ne voulais pas non plus lui donner l’impression de lui voler sa liberté.

   « Tu me manques et je veux te parler tous les soirs » m’a-t-il dit lorsqu’il a enfin pu me joindre. Je me suis alors laissé emporter par cette nouvelle preuve d’amour et l’ai depuis appelé tous les soirs, chaque fois que nous étions séparés, et ce, jusqu’à notre séparation définitive, six ans plus tard.

   Lourde habitude ! Difficile à gérer !

 

   Six années !!!

 

   Laissé emporter également, lorsqu’il m’a suppliée de ne pas redescendre de mon petit nuage pour aider notre amie en commun alors qu’elle avait besoin de moi. Il m’a    promis d’aller la voir.

 

   « Je veux que tu reste heureuse comme tu l’es aujourd’hui ! »

 

   « Tu es une petite chose et je vais te protéger » me répétait-il fréquemment.

 

   J’avoue avoir trouvé cela surprenant. Je ne me suis jamais sentie « petite chose » et moins encore je n’ai donné aux autres l’illusion de l’être, bien au contraire ! Mais bon !!! Cela n’était pas désagréable de se faire dorloter et je ne voulais plus me formaliser pour ce genre de détails. Il y a tellement plus important. « Il t’aime et te le prouve et cela est l’essentiel » me suis-je dit.

   Surtout, j’avais décidé de me tempérer, d’être moins intransigeante, alors je l’ai laissé dire. Et puis, quel mal cela pouvait-t-il bien faire ?!?

 

   M., mon amie, un mot important pour une importante personne.

   C’était une femme que j’aimais et admirait, pleine de force et de volonté, mais dotée d’un passé écrasant, fait de violence et de misère morale. Nous nous sommes beaucoup aidées l’une et l’autre, à grands coups d’écoute mutuelle et de tolérance.

 

   Je me souviens de ce midi où je suis arrivée inopinément chez elle à l’heure du repas. J’étais sensée être à cent kilomètres d’ici…Un stage professionnel dont je suis partie sans le terminer et très en colère. Mais immédiatement, ma chaise était tirée et mon assiette parmi celles des autres. J’ai mangé, j’ai pris l’amour que l’on me donnais, et seulement après j’ai parlé. Pas de questions ! Juste de l’écoute et de la disponibilité ! Une belle leçon d’humanité que jamais je n’oublierai !!!

 

   Et pourtant, nous nous étions un peu éloignées l’une de l’autre, et ça a été la faille où il s’est engouffré… La première…! Plus tard, j’ai compris qu’ils avaient eu une aventure ensemble avant notre rencontre, à lui et moi. Une aventure, juste platonique peut-être, je ne le saurai jamais et ne veux pas le savoir. Je me suis souvenue avoir entendu un jour Marie dire qu’elle plaquerait tout, mari et enfants qu’elle adorait. C’était très surprenant de sa part. Je sais maintenant que c’était pour partir avec lui qui ne voulait pas de « ces bonnes femmes qui ne jurent que par leurs gamins ». J’ai reconnu là sa signature !

 

   Première faille, première blessure ! Entremêlée aux autres au fil du temps. Quelques temps après, nous avons appris qu’elle était rongée par un cancer qui l’a rapidement emportée dans d’horribles souffrances. Et moi ! « La femme forte qui place l’amitié au-dessus de tout », à aucun moment je n’ai eu le courage de franchir le seuil de la maison pour aller la soutenir. Je prenais de ses nouvelles au téléphone par le biais d’une amie dès qu’il avait le dos tourné pour ne pas avoir à subir sa colère. J’ai pourtant été persuadée que c’était moi qu’elle attendait lorsqu’elle ne se laissait pas partir. Mais j’étais terrorisée…! Elle est partie… Et je ne suis pas non plus allée à ses obsèques…!

   J’étais terrorisée…

 

   Je me souviens, le soir, nous nous sommes disputés, et devant les enfants il m’a lâché, le regard méprisant :

 

   « En attendant, tu n’y es pas allée, à l’enterrement de ta grande copine ! »

 

   C’est vrai ! Je n’y suis pas allée. Et cela fait maintenant six ans que j’y pense tous les jours. « Je n’y suis pas allée !

 

   J’étais sa chose. Mon temps était le sien. Il me fallait choisir entre lui et mes enfants, lui et ma famille, lui et mes amis, lui et mes animaux. Et l’issue de ces choix ne pouvait être que lui, sous peines de violentes retombées.

 

Un long travail de sape.

 

   Je me relis. Je crois que tout va pouvoir sortir. Je l’espère. Probablement dans un désordre total. Je ne crois pas mon cerveau capable de produire autre chose que du désordre en ce moment. L’essentiel serait que j’arrive à mes fins : faire passer à chacun la souffrance et l’isolement, l’enfermement qu’engendrent ces « violences conjugales ». Lui faire passer à lui aussi, car j’aime croire qu’à l’aide du psychothérapeute qui nous a aidés quelques temps il a un peu pris conscience de l’ampleur des dégâts.

 

   Mais ni l’amour que nous avions l’un pour l’autre, ni la reconnaissance de nos erreurs passées n’auront suffis. Il faut qu’il sache le mal que m’a causé la perte de mes amis les plus chers, ceux dont il m’a séparée doucement, soit en mettant le doigt sur le point faible de notre relation, soit en me persuadant qu’ils n’étaient pas heureux de notre amour et voulaient me garder pour eux seuls.

   Et rapidement, d’être plus souvent malheureuse que radieuse m’a fait m’isoler de façon naturelle. D’autant plus que je déteste imposer aux autres mon mal de vivre lorsqu’il prend le dessus.

 

   Toujours ce travail de sape !

 

   Mon passé, le premier, est devenu tabou. Mon passé de « salope », c’est-à-dire mon passé amoureux.

 

   A trente-cinq ans, divorcée et deux enfants avec moi, il serait difficile de nier son existence, pensez-vous !!!

 

   Mais si !!!

 

   J’ai rapidement appris à ne plus parler du passé. J’ai d’abord quitté mon appartement pour sa maison, car il ne pouvait pas supporter de me voir chez moi au même titre que tous ces hommes qui venaient me « sauter » (hic ???) avant lui.

 

   J’avais pourtant toujours soutenu qu’il n’est pas bon pour un nouveau couple de s’installer chez l’un des deux, que jamais je ne le ferai.

 

   Au moment de notre rencontre, j’avais le projet bien avancé d’acheter un appartement, mais la tranquillité qu’il me promettait après des périodes difficiles de ma vie m’a fait changer d’avis, aveuglée comme je pouvais l’être par ces merveilleux moments d’osmose que nous partagions entre deux crises.

 

   Lorsque je suis partie, j’en ai profité pour jeter la plus grande partie de « toutes ces merdes » (mes meubles), reflets de ma vie avant son arrivée.

 

   Un avantage certain : la rapidité du déménagement !

 

   Et nous nous sommes retrouvés chez lui, mes enfants et moi ! Je ne sais pas si eux ont bien compris ce qui leur arrivait à l’époque, ils avaient sept et dix ans.

   A leur retour de vacances chez leur père, changement de maison immédiat, sans préavis, changement d’école pour ma fille, fini les copains sacrés de mon fils le soir après l’école.

   D’importants changements, de ceux qui rendent de plus en plus difficile un éventuel retour en arrière.

 

   Je n’ai probablement pas tout compris moi-même !

 

   Les faits suivants, ceux qui me concernent - je réserve des lignes à mes enfants par la suite - pourront paraître difficiles à croire, et surtout à comprendre, mais il ne faut pas oublier que toutes les horreurs sont ponctuées de moments magiques et passionnels.

   Ces instants d’amour intense dont je pensais que personne d’autre n’avait la chance de les connaître, je m’y raccrochais lors de chaque descente aux enfers comme à des bouées de survie, sans plus aucune conscience de la réalité. En fait, ce sont eux qui m’ont perdue. L’effet « yoyo », pervers et déstabilisant épuise et laisse étourdie, fatiguée et sans défense. Un jouet ! Un yoyo, que l’autre fait descendre et monter à sa guise.

   Pas moyen de se faire aider des autres non plus. La famille, les amis, je ne les voyais plus. Dans les moments où j’étais seule, j’en profitais pour faire toutes les corvées ménagères, administratives…afin d’être disponible lorsqu’il rentrerait, et entièrement à lui. Au début car j’en avais envie, et plus tard, pour ne pas le fâcher. Lorsque nous étions bien, nous étions toujours ensembles, sans aucune envie ni de se séparer, ni de rencontrer qui que ce soit, juste envie de profiter de ces instants privilégiés. Et pendant ou après une dispute, le désespoir, la honte ou la peur m’empêchaient d’aller voir les autres. Je me souviens m’être interdit jusqu’aux mauvaises pensées à son égard, de peur de représailles. J’étais persuadée qu’il les devinerai.

 

   C’est un homme très intelligent, mais totalement irrespectueux des femmes, véhiculant des images négatives et tellement étriquées de ces dernières.

 

   Un beau tableau !!!

 

   A l’écouter, toutes les relations humaines ont des connotations sexuelles. Dans ce qu’elles ont de plus moche !

 

   Commençons par mes amours !

 

   J’ai toujours eu le sentiment d’avoir été très aimée et respectée par les hommes qui ont traversé ma vie, mais l’image qu’il m’a soudain renvoyée était celle d’une femme à l’affût de la moindre aventure sexuelle, et surtout à la disposition de n’importe quel homme qui la désire.

   Quand vous voulez ! Où vous voulez ! C’est à vous de décider !

   Peut-être cela une « femme-objet »?!?

Pas moi !!! Non…Pas du tout moi !!! Je revendique même haut et fort tous mes choix, bons où mauvais, dans quelque domaine que ce soit et quelque soit le prix à payer (plutôt élevé aujourd’hui)! Ce sont des choix que j’ai toujours fait seule, et qui m’ont portée jusque là, mais jamais encore je ne me suis laissée « bercer par les événements ».

   Au moins je ne fais pas porter le prix de mes erreurs aux autres !

 

   Seulement il est arrivé un moment où, sous la pression des menaces, j’ai commencé à me renier, puis à me nier. C’est là que tout à basculé.

 

   Il a cette façon de vous faire admettre ses théories sur la vie qui ressemble plus à du harcèlement moral qu’à un exposé de ses idées. Capable de vous démontrer sans prendre le temps de respirer durant une demi-heure qu’il est possessif et non pas jaloux (?).

   Sujet totalement obscur et du plus grand intérêt parmi tant d’autres.

 

   Ah! Mon humour !!!

   Celui qui m’a si souvent aidée à garder « la tête hors de l’eau !»

   Au placard ! Et vive les bonnes blagues bien lourdes qui, si elles ne font pas rire, (pas moi en tous les cas) ont toutefois le mérite de ne pas vexer les esprits susceptibles !

   Il justifie ses comportements irraisonnés dans un flot de paroles incessant et oppressant, que l’on ne peut interrompre sous peine de froisser le Monsieur et de déclencher une énième crise de colère. Généralement, ce genre de scène se produit au moment de partir travailler ou à un rendez-vous important.

   Sinon, quel intérêt ?!?

 

   Donc là, il m’a fallu me rendre à l‘évidence…Que je me soit laissée manipuler par des hommes où que j’ai choisi de coucher avec eux, démonstrations interminables à l’appui, j’étais une salope !

 

   Rapidement, sous les menaces de séparation et les injures, j’ai adopté un comportement de victime, une attitude de faiblesse. Celle, toute nouvelle pour moi, qui ne pouvait que me perdre, celle qui déclenche les coups.

 

   Mais trop tard ! Je pleure et pense qu’il est malheureux, qu’il se rendra bientôt compte que je suis cette femme dont il est tombé amoureux un vingt janvier et que cette date ne lui porte pas malheur, comme il se plaît à le seriner tous les mois. (Ça et la pleine lune…!)

 

   Je lui ai intimé de ne plus lever la main sur moi, ce qu’il a fait pendant quelques semaines… Puis il a recommencé…Et j’étais toujours là ! Qui plus est, j’ai déployé des trésors d’ingéniosité pour lui prouver, encore et toujours, mon amour.

 

   A l’époque, j’avais un emploi très fatiguant, avec des horaires en postes. Mais qu’à cela ne tienne, là où d’autres font la sieste, (lorsque je rentrais, il avait terminé la sienne) moi je partais faire du sport avec lui, faire de grandes promenades. Agréables d’ailleurs, tant qu’il l’avait décidé, tant que mes signes de fatigue ne le dérangeaient pas, tant qu’il ne les voyait pas surtout. Sinon son visage se métamorphosait et les moments les plus merveilleux viraient au drame en l’espace de quelques secondes.

 

   Un après-midi, nous partions exceptionnellement rejoindre des amis à lui, nous devions aller randonner grand train derrière un sportif aguerri, sans aucune considération pour le fait que je sois debout depuis cinq heures le matin.

   Au moment de partir, il découvre des traces de pattes de mon chat sur son véhicule et rentre alors dans une fureur incroyable, rentre dans la maison aussi, là où je me trouve. Et là, après m’avoir copieusement insultée, il me retourne une gifle magistrale. Il m’a percé le tympan et mon oreille a bourdonné pendant plusieurs jours.

 

   Puis nous sommes partis, moi pleurant et lui :

 

   « Bon, c’est vraiment pas la peine qu’on y aille si tu chouines sans arrêt. Mais je te préviens, si on rentre, je ne te le pardonnerai pas. »

 

   J’ai arrêté de chouiner. J’ai marché une bonne partie de l’après-midi. Nous avons dîné jusqu’à une heure tardive. Le soir, tellement fatiguée, j’ai eu du mal à rentrer dans la voiture. Mal de fatigue… Mal de ventre…Mais j’ai quand même eu l’extrême plaisir d’entendre que je n’étais pas quelqu un d’agréable et que je pourrais faire des efforts pour les gens qui ont la gentillesse de me recevoir.

 

   Mais ça n’était pas la première fois qu’il me tapait.

 

   La première fois …

 

   Nos premières vacances en amoureux également !

 

   Nous avions pris toute la journée pour descendre voir la mer là où d’autres mettent deux heures. On se promenait et on s’aimait. Quel bonheur de visiter main dans la main avec la personne que l'on chéri. Ces moments-là, par-dessus tous je les aimais, ils m’étaient essentiels. Nous partions dans un véhicule utilitaire aménagé en camping-car, au gré du soleil et de nos envies, sans aucune contrainte d’horaire ni d’itinéraire. Le rêve ! Le nôtre en tous les cas !

 

   Direction « les Pyrénées » !

   Après une visite assez houleuse dont le seul défaut, je pense, était d’avoir été conseillé par une amie à moi, (une qui nous porte malheur apparemment) nous sommes arrivés à la frontière espagnole. Nous avons décidé d’aller jusqu’à Cadaquès. J’avais visité cet endroit adolescente et j’en garde un excellent souvenir.

   Nous sommes arrivés en soirée, et là, avec la fatigue de la route, un problème de liquidités mal géré, bref l’intendance (c’est moi!) qui ne suivais pas, le début de mon enfer !!!

 

   Je me souviendrais de cette soirée toute ma vie !

 

   Nous n’avons pas dû rester plus d’une heure là-bas. Nous avons repris la route vers la France, de nuit, épuisés. Moi, en tout les cas! Cette route côtière que j’aime tant, celle qui va jusqu’à Collioure. Nous devions la reprendre le lendemain matin. J’en avais rêvé de ce paysage idyllique, sous un soleil matinal avec un petit reste de fraîcheur de la nuit passée, surplomber la mer blottie dans les bras de l’homme que j’aimais…

 

   Je me souviens de cette lune gigantesque, une lune pleine et rousse dont je ne pouvais détacher mon regard dans le rétroviseur tant elle était belle. Lui, il la déteste la pleine lune, il dit qu’elle lui porte malheur. Mais il ne l’a pas vue cette fois-ci, trop occupé à me hurler dessus.

   La nuit la plus longue et la plus horrible de ma vie. La première en tout les cas. J’ai entendu les pires horreurs, les « pute », les « salope », tout y est passé en matière de grossièreté ! Et puis, tellement incompréhensible ! Rien à voir avec la raison évoquée de la dispute. A un moment, il s’est garé sur le bas-côté et m’a jetée hors du véhicule avec toutes mes affaires, sur le bord de la route, en pleine campagne, en pleine nuit. Puis, comme je partais, il m’a rattrapée en me traitant de salope et m’a traînée par terre pour que je remonte avec lui. Puis de nouveau les insultes ! A Port-Vendres, j’ai voulu descendre pour aller prendre le train et rentrer chez moi. Il m’a laissée, puis est de nouveau venu me chercher. (Je devrais dire nous, car toujours il y avait mon chien avec moi, qui montais et descendais lui aussi au milieu des cris. (Lui aussi qui était si équilibré, a vite adopté un comportement complètement irrationnel) Encore des insultes, des cris, des pleurs… l’incompréhension, l’impuissance, la souffrance, la prostration…L’enfer ! Tout la nuit !

 

   Peu avant le lever du jour, il s’est arrêté pour pouvoir dormir sur Collioure.

 

   Dormir ! Dormir et oublier !

 

   Le lendemain matin, il était, disait-il, désespéré de ce qu’il m’avait fait. Je me souviens ! Nous étions sur le port, au soleil à une terrasse de café. Il m’a demandé de venir habiter avec lui pour me prouver son amour.

   La faveur qu’il m’a fait là !

   C’est vrai qu’a ce moment nous n’habitions pas encore ensembles.

   Nous réunis sous un même toit, le sien en l’occurrence, il y avait moins de risques que je le quitte. Jusque là, lors de nos disputes, il retournais sa violence contre lui, tremblements et absences mentales (?) incontrôlées (apparemment) qui me donnaient plus l’envie de l’aider qu’autre chose. (Je suis sujette aux crises d’angoisse et de spasmophilie et je pensais le comprendre et pouvoir lui être utile.)

   Eh bien, faveur ou pas, j‘ai accepté la vie commune, envers et contre toute logique, et tout est revenu dans l’ordre … jusqu’à la fois d’après…!

 

   Combien de nuits avons-nous passé à nous disputer ?!? Combien de fois suis-je allée travailler après une nuit sans sommeil, les yeux bouffis d’avoir tant pleuré ?!?

   A chaque fois des menaces ! Menaces de me quitter…Menaces de ne pas pouvoir me supporter…Menaces de ne pas supporter mes enfants…Il me répétais sans cesse que nous n’étions pas un vrai couple, me hurlait dessus que j’étais chez lui. Je ne savais plus que faire. Partir ? Rester ? Ça n’était pas ma maison, c’est vrai, je ne l’aimais pas d’ailleurs, et je n’avais rien à y faire lorsque nous nous étions disputés. De toute façon, si j’essayais, ne serait-ce que d’aller nettoyer le jardin pour m’occuper ou me détendre, il me l’interdisais car ce n’était pas chez moi.

   Par ailleurs, moi qui suis très soigneuse et respectueuse des affaires des autres, il me répétais toujours qu’il fallait entretenir sa maison, que ce n’étais pas une location. Je n’ai pourtant jamais eu l’habitude de saccager mes précédents appartements dont j’étais locataire. Il me hurlais aussi fréquemment qu’il allait falloir que je le mérite (hic!!!)

   Je n’ai jamais eu le sentiment d’avoir à mériter qui que ce soit, mais alors lui, surtout à cette époque, encore moins …

 

   Mais chut !!! Là on sent bien que Monsieur est un grand malade !!!

 

   Mais je ne sais pas si le pire n’était pas lorsque nous partions en vacances ou en week-end. Nous avions l’habitude de beaucoup rouler et cela fatigue. je crois qu’il perdait  ses repères loin de chez lui, et de ce fait, devenait plus vite irascible…Si cela est possible !

 

   Je me souviens qu’il a l’habitude de sortir le bout de la langue lorsque la pression monte, et alors à ces moments-là, je savais que quelque chose l’avait contrarié. Une habitude comme une autre, mais quel baromètre !!!

   Il allait falloir que ça explose. Je ne savais pas encore de quoi il s’agissait, mais je cherchais… Et je trouvais…Ce n’était rien… Un mot, ma main qu’il ne sentait plus sur sa cuisse depuis quelques minutes. ( Puisque nous devions être accrochés de façon permanente l’un à l’autre). Je savais que ça aller exploser… Et ça explosait !

 

   Aujourd’hui encore, alors que nos rapports sont très différents, je m’angoisse complètement dès que je le vois sortir sa langue de cette façon. Lorsque nous sommes en train de rouler, je regarde ailleurs, et soudain, j’ai l’impression qu’il le fait. Alors je vérifie discrètement, mais non, rien ! Et puis même si, quelle importance…! Mais j’ai eu si souvent peur !!!

   Un des problèmes est que nous étions dans un tel état de fusion que bien souvent nous pensions les mêmes choses et surtout nous savions ce que pensais l’autre. En tous les cas, moi je le savais et il me semblait que lui aussi. Je me souviens que souvent, le soir, couchés et dans le noir, je ressentais d’un coup qu’il était contrarié, je ne me trompais jamais.

   Je n’osais plus penser. Persuadée qu’il savait tout ce qui me passait par la tête. Lors de nos disputes, non seulement je ne lui répondais pas, mais je ne m’autorisais jamais de penser du mal de lui, tellement sûre qu’il s’en rendrait compte. Et pourtant, Dieu sait si cela m’aurait fait du bien de penser qu’il était un « gros con », car il en était un sacré !

 

 

   Les vacances !

   Il y a eu celles d’hiver où nous avions prévu un séjour en Normandie afin de voir nos familles respectives. Nous devions partir dans la soirée pour voyager de nuit. Eh bien, nous sommes même partis tard dans la nuit !

   Au moment du départ, tout était prêt. Mon rôle , toujours l’intendance, consistait à prendre les détails en charge, car Monsieur est du genre à chercher ses clés au dernier moment, et là, bizarrement, rien n’allait jamais, tout était de ma faute. Ce soir-là, je ne me souviens plus ce qu’il s’est passé, mais comme à son habitude, il s’est mit compulsivement à dépoussiérer les meubles et déplacer de quelques centimètres les objets du salon, moi attendant patiemment que l’on parte. Je ne dis rien , mais soudain, c’est l’explosion !

   L’image qui me reste en tête, c’est moi allongée par terre après m’être fait frapper et pleurant, encore pleurant …

   Je ne me souviens plus que de ça !

   On ne peut rien faire dans ces cas-là. Il faudrait soit s’enfuir et alors il nous rattrape et c’est le double de coups, soit répondre, verbalement ou physiquement, si l’on en a encore la force, le courage surtout, mais là, même récompense ! Il ne faut pas oublier que le monsieur est plus costaud, et surtout dans un état de fureur incontrôlée.

 

   Quoique peut-être pas si incontrôlée que cela, je ne l’ai jamais réellement su.

 

   Endurer silencieusement l’énerve, pleurer ( lui dit chouiner pour un rien) l’énerve (?). Je n’ai trouvé que la prostration, avoir l’air le plus désemparé et naïf possible en attendant que ça passe …Et lorsqu’il l’a décidé, ça passe ! En quelques secondes, il redevient le plus amoureux des hommes, il a décidé que c’était fini.

Et nous partons.

 

   Un voyage agréable et deux jours de repos dans ma famille. Beaucoup de bonheur et de bien-être !

   Puis arrive le jour où nous devons rencontrer la sienne, de famille !

   Je ne la connais pas encore.

   Juste avant d’arriver chez eux nous nous arrêtons dans un supermarché faire une course, tout cela enlacés amoureusement et dans la plus totale harmonie.

   Au moment de reprendre la voiture, il a perdu quelque chose de complètement anodin, (un stylo, peut-être) sans importance. Mais nous sommes restés là, dans le froid, à chercher…

   Quand on a pas de soucis, il faut bien s’en trouver, sinon quel ennui !!!

   Une fois de plus, je me suis trouvée à donner de l’importance à une de ces petites choses qui n’en ont aucune pour moi. Après tout, je croyais lui faire plaisir et toutes ces concessions ne m’auraient pas dérangée s’il les avait prises pour de l’amour (cela en était) et non pour de la faiblesse. Mais j’ai peut-être montré de l’impatience et …de nouveau les reproches, les cris ! Désespérant !

   Ma seule pensée :

   « Mais ça allait si bien, pourquoi tout ça , juste pour un stylo ?!? » Incompréhensible !Toujours !

   Avec le recul, je crois qu’il avait très peur du jugement des siens, et chacune de ses peurs irrationnelles se transformait en fureur, tout aussi irrationnelle, mais à mon encontre. Tellement plus facile !

   Un peu plus tard, je me suis retrouvée seule dans un bar après avoir été éjectée du véhicule, avec mon sac et mon chien, de nouveau, essayant d’organiser mon retour …

Et le revoilà !

   Il s’assied en face de moi. Les gens nous regardent, moi avec mes yeux bouffis et lui son air méchant. Heureusement que la honte ne tue pas !

   « Je te donne cinq minutes pour retourner à la voiture, sinon…! »

   Toujours ses menaces terrorisantes… et j’y suis retournée bien sûr ! Et nous sommes allés chez sa sœur. Il a fallu que je cesse de couiner une fois de plus. Et lui de prendre ses airs de « Monsieur souffle un coup,- on va y aller alors je me calme mais c’est vraiment difficile !- »

   « Je te préviens, pas de ça dans ma famille! »

   Voilà, on y est. Moi, je suis bien élevée, discrète, agréable. Surtout, je déteste ennuyer les autres avec mes problèmes, alors personne ne sait. Mes amis sauraient, eux. Ils me connaissent gaie, avec de l’humour et plutôt bavarde, mais on ne se voit plus. Je me sentais très mal à l’aise. Comme chez lui, sans amour, je n’avais aucune raison de rester ici. Le séjour, ces vacances, se sont terminées.

 

   Mais en matière de vacances, le pire restait à venir. L’été suivant …

 

   L’enfer au paradis !!!

 

   J’avais réussi à mettre un peu d’argent de côté pour partir en vacances. Bien m’en a pris car on ne s’est servi que du mien.

 

   Un jour, je suis tombée par hasard sur un magazine de voyages vantant les mérites de la Corse. J’ai été subjuguée par la beauté des paysages présentés. Je lui ai montré et nous avons décidé de nous offrir une quinzaine de jours en Corse. Nous avons en commun cette curiosité et ce besoin de vadrouille perpétuelle. On roule, on marche, on crapahute. Il y a tant de belles choses à voir en France !

 

   Après avoir défini les dates, réservé les places pour la traversée, il ne reste plus qu’à attendre. Le rêve ! Quinze jours à se balader dans ces paysages magiques ! Sans aucune contrainte, puisque libres de se poser où nous le voulons avec le camion aménagé.

 

   Et le grand jour arrive !

 

   Soirée romantique et hôtel à Toulon pour être « frais dispos » le lendemain pendant le voyage jusqu’à Ajaccio. Attente pour l’embarquement sous le soleil matinal. Nous avons passé le voyage à rire et à discuter ensemble. Et l’arrivée dans cette baie avec cette lumière sur les montagnes, si particulière à la Corse.

 

   Nous nous sommes immédiatement sentis biens dans cette ville.

 

   Après nous être posés un peu, avoir décidé de notre itinéraire, nous sommes partis main dans la main à la rencontre des lieux. Sous le charme ! Début juillet, il n’y avait pas encore trop de touristes et le temps était idéal, avec toutes ces fleurs que j’aime tant ! Nous sommes rentrés dans la bibliothèque, puis dans cette pièces immense tapissée de livres anciens. J’étais impressionnée de voir des murs entiers remplis d’ouvrages d’un autre temps. Lui s’est approché d’un livre et moi, gentiment :

 

   « Attention, il n’y a pas le droit d’y toucher ! »

   Grave erreur de ma part !!! Je l’ai pris pour un enfant et je l’ai payé… Mais plus tard !

   Pour lors, nous avons tranquillement continué notre visite.

 

   A la terrasse d’un café, après avoir bien marché…

   Comme d’habitude lorsque nous allons dans un café, j’hésite en riant sur le choix de ma consommation. Je dois dire que je n’apprécie que rarement d’aller dans les cafés. Je ne bois que café, thé ou eau, en l’occurrence de l’eau un après-midi de juillet, et honnêtement, cela me dérange de dépenser des sommes que je juge astronomiques pour des boissons que je n’aime pas. Mais lui aime beaucoup ça. Il est persuadé que moi aussi. Mais je veux juste lui faire plaisir, car j’en ai tant d’autres à côté !

 

   Mais surprise !!!

 

   Alors que nous sommes bien installés, j’apprends enfin qu’il n’est pas stupide ... ! Il a bien vu le cinéma à chaque fois avec les serveurs ... ! Et je ne sais plus quoi inventer pour me faire remarquer ...! Et cette façon que j’ai de me croire supérieure, jusqu’à le ridiculiser dans la bibliothèque !

   Je l’assure de ma bonne volonté et essaye de lui expliquer, de me justifier, mais rien n’y fait. Tout les bons moments précédents gâchés pour une maladresse de ma part. J’avais reconnu la maladresse, je m’en étais excusée. Mais non …!

   Il s’est calmé dans la soirée et nous avons mangé sur le port et fait l’amour après, dans le camion. Son camion! Je dirai même THE camion, celui auquel il tient plus qu’a son entourage !

   Ce jour-là, j’avais mes règles et il le savait. Il s’est avéré que le drap a été taché et le lendemain matin, lorsqu’il s’est rendu compte de ça… Re-cris! Re-insultes ! J’ai du frotter les draps avec je ne sais plus quoi. Pour le coup, c’était moi qui redevenait l’enfant !

 

   Quelle belle vengeance !

 

   Le délire ! L’inconcevable pour un esprit sain ! La scène ! Et chez nous, c’est au minimum des cris, insultes des plus vulgaires à connotation sexuelle de préférence, et menaces… Menaces d’abandon, menaces de séparation, de non-amour…Toujours cette épée de Damoclès suspendue au- dessus de la tête.

 

   L’enfer !!!

 

   Mais on continue…

 

   L’effet « yo-yo ». Rapide et épuisant ! On remonte …

 

   Et me reviennent des moments magiques les jours suivants. Les balades en forêt, en camion, rencontrer au hasard des tournants une vache sur le bord de la route, plus loin une maman sanglier talonnée par tous ses petits. A pied, où nous nous sommes perdus à force de remonter le lit de la rivière de rochers en rochers. Qu’est-ce que nous avons pu rire ! La baignade dans les piscines naturelles au cœur des bois. Tous ces sites qui nous paraissent d’autant plus féeriques qu’on les découvre avec la personne que l’on aime.

   Nous avons dîné à la chandelle aussi. Dans les calanques de Piana. Nous dominions le petit golfe de Porto. Le coucher de soleil rougeoyant sur la baie puis le ciel étoilé, assis sur un rocher. Qui n’a pas rêvé de moments comme celui-ci ?!? La magie de l’amour !

 

   Mais qu’ils ont été chers payés !!!

 

   Du bonheur intense… suivi de malheur tout aussi intense !

 

   Le malheur, le voici !

 

   Plus aucun souvenir du facteur déclenchant. Seulement des images. Trop dures !

 

   On roule le long de crêtes magnifiques, avec vue plongeante sur la mer turquoise. Mais même dans des endroits pareils la vie peut-être moche. Et là, impossible de prendre le train et de rentrer à la maison. D’ailleurs quelle maison ? Je n’ai plus de chez moi. Mes affaires et moi sommes chez lui.

   Les images … Lui conduisant tout en me hurlant dessus.

   « Ah, tu ne dis rien, tu fais la fière ! »

   « Arrêtes de pleurnicher ! »

   Insultes ! Je ne sais pas quelle contenance afficher. Répondre, me taire, pleurer, rester calme et apparemment indifférente… De toute façon, rien ne va !

   « Je ne sais pas ce qui me retiens ? »

   Mais justement, il ne se retient plus et le coup part ! Et je m’arrête de pleurnicher ! Bien sûr, plus la peine! Les vaisseaux de l’œil gauche éclatés.

 

   C’est joli, ça décore ! Au moins, nous, on ne s’ennuie pas, en vacances !

 

   Un peu plus tard, nous nous sommes retrouvés sur un petit port, sortis du camion, pour qu’il se calme. Interdiction pour moi de rester dans son camion ! Puis lui y est retourné. Il parlait seul, criait, m’insultait. Puis il m’a hurlé de remonter quand il l’a décidé. Il y avait des gens autour. Mon nom ce jour là, c’était : » salope, grosse pute ».(Comme souvent d’ailleurs !)

   Je remonte…Et on continue ! Tout ! Le chemin, et les insultes !

   Pas longtemps après, je me suis fait éjecter du véhicule en bordure de route. Avec toutes mes affaires !

   Alors, le temps qu’il fasse mine de repartir, j’ai tout laissé là et je me suis enfuie sur la plage plus bas et cachée dans les rochers. Lui ne me voyait pas, mais je pouvais le surveiller. Je ne savais plus quoi faire. Même si j’avais pu récupérer mon billet, le retour pour le continent n’ était prévu que dix jours plus tard. J’ai marché le long de la côte en réfléchissant et je suis arrivée au bout de la plage. C’était une baie et je n’avais plus moyen de continuer à pied. J’ai fait demi-tour vers des escaliers avec accès sur la route, et stupeur ! Il m’attendait calmement assis en bas. De loin et au milieu de mes larmes, je ne l’avais pas reconnu.

 

   Il m’a ramenée avec lui.

 

   Nous avons repris la route. De nouveau. Jusqu’à la prochaine halte. Un parking, Tout en haut d’un village, avec un belvédère. Lui, toujours en pleine crise. J’étais épuisée et terrorisée. J’ai senti qu’il allait franchir un palier dans l’escalade de la violence alors je me suis enfuie en courant pieds nus sur le bitume avec lui à mes trousses. Je ne regarde pas derrière. Je n’ai jamais couru aussi vite. J’ai descendu tout le village et je ne sais pas quand il a cessé de me suivre. Je me suis retrouvée face à un camion de pompiers dans lequel on m’a fait monter. C’était un jeune pompier accompagné d’un adolescent. Je ne me souviens que du regard de ce dernier lorsqu’il a croisé le mien. Je déteste que les enfants soient confrontés à la violence.

   Le pompier a compris seul ce qu’il se passait. Je ne pouvais plus parler.

   Il m’a demandé ce que je voulais faire, sans aucune réponse de ma part. J’étais bien incapable de penser ou de décider quoique ce soit de cohérent. Il a entreprit de m’amener chez le médecin.

   Alors que nous arrivions à pieds devant la maison du docteur, S. est arrivé vers nous tout sourire. Je ne parlais toujours pas. Le pompier a commencé à lui expliquer sa démarche, et lui a répondu qu’il savait.

 

   « On fait le même métier ».

 

   C’est vrai, il est pompier lui aussi. Pompier professionnel.

 

   A moi, toujours avec le sourire :

 

   « Tu sais ce qui se passera si tu y vas. Ce sera fini. »

 

   Je l’ai suivi, sans un mot. A quoi bon?!? Je n’avais même pas mes papiers ! Comment serais-je retournée à la maison ? A sa maison! Et il ne m’aurait jamais laissée partir !

 

   Après… Des bons moments.

 

   C’est que je savais me tenir !

 

  • Baisser les yeux au bon moment.

  • Avoir besoin de lui quand il le fallait.

  • Oublier toute forme d’humour , au-delà des bonnes blagues bien graveleuses qui ne font de mal à personne, hormis aux chastes oreilles, ça, je pense en avoir déjà parlé.

  • Ne jamais être fatiguée.

  • Dans le camion, ne pas ouvrir ma fenêtre car les courants d’air brûlant du mois de juillet le font éternuer. (ls sont drôlement vaillants ces machos!)

  • etc…

 

   Il n’y a rien à dire, une bonne claque, ça vous remet les idées en place !!!

 

   Et vous êtes tellement contente quand arrive un moment de « bonheur » ! Au minimum, cela repose. Même si en réalité, c’est ce repos subversif qui contribue à la destruction de notre santé mentale.

 

   Je passe tous ces instants qui paraîtront ridiculement banals après tous les merveilleux moments que je viens de narrer.

 

   Hormis les fois où il se replie sur lui-même, tremblant de tous ses membres, le regard dans le vide et semblant ne plus faire partie de la réalité. Je ne sais toujours pas aujourd’hui si ces crises effrayantes sont simulées, ni ce qu’elles renferment.

 

   C’était nos vacances en Corse. Et malgré tout je continue de l’aimer, la Corse. J’y ai même envoyé plusieurs personnes la visiter, tant je l’aime.

 

   Nos journées sont toutes faites, sans exception, de très hauts et de très bas, l’effet « yo-yo » dont je parlais plus haut. Impossible de vivre sereinement.

 

   Mais malgré toute cette douleur, si difficile de s’en sortir !

 

   La fatigue, la violence, la peur. Et d’un coup le calme salvateur, avec toujours en toile de fond l’angoisse des prochaines violences, imprévisibles, tout comme le bien-être.

   Pendant ces instants de répit, il faut reprendre des forces, il n’y en a plus suffisamment pour prendre les bonnes décisions et tout stopper. Et puis il y a toujours cette petite lueur d’espoir. Si un jour il n’y avait plus que ces bons moments, il n’y aurait que nous capables de vivre un tel amour, un tel bonheur !

   L’être humain est doté de ressources physiques et intellectuelles que l’on a peine à imaginer sans y être confronté.

 

 

   Notre week-end de rêve à Nice.

 

   Lui y était allé seul avant notre rencontre. Il en avait gardé un excellent souvenir et m’en parlait fréquemment.

   Alors nous voici, une fois de plus sur la route. Fidèles à nos habitudes, pas d’autoroute. Des routes secondaires, beaucoup plus agréables, la route Napoléon en l’occurrence. La météo n’était pas avec nous, mais qu’à cela ne tienne ! Nous avons voyagé scotchés l’un à l’autre, passant notre temps à nous « bisouiller », à discuter et à rire ensemble.

   Nous sommes arrivés en fin d’après-midi, et là, fatigue et circulation, embouteillages et difficultés pour se garer. Tension ! Mais bon, comme cela a tendance à rapidement devenir de ma faute, une fois de plus, je me tais …Ou plutôt …

   « Ah oui ! Tu as pris à gauche ! » ( une voie sans issue)

   …?!?

   « Mais ce n’est rien, tu n’avais pas vu ! » (Moi oui, je te l’aurais bien dit, mais …)

   La dispute a été désamorcée et enfin, nous nous garons le long de la promenade des Anglais. Parfait !

   Et nous partons, main dans la main à la recherche d’un restaurant tout en visitant. Je n’apprécie pas trop ce genre d’endroit. Trop de richesse ostentatoire à mon goût. Mais je suis heureuse de découvrir Nice malgré cela. Et puis … Nous sommes ensemble…

   Le choix d’un endroit qui nous convienne tous les deux n’est pas facile, mais enfin nous tombons d’accord. Nous nous remettons tranquillement de notre fatigue devant un apéritif bien mérité et la soirée se déroule, ma foi, de façon très agréable.

   Jusqu’à ce que rentre dans le restaurant un groupe de personnes. Deux hommes d’une cinquantaine d’années accompagnés de deux jeunes femmes, très jeunes même. Sans être très portée sur les jugements faciles, je crois que quiconque penserait immédiatement que ce n’est pas « Mr Amour » l’instigateur de ces couples.

 

   Et là ! Malheur à moi ! Une opération brutale à l’air de se produire dans le cerveau de mon compagnon ! Il semble soudain se souvenir que « jolie » ne peut surtout pas rimer avec des mots tels que « intelligence », « simplicité », « honnêteté », ou « désintéressement », et me voici métamorphosée en « bimbo dévoreuse d’hommes ».

 

   C’est gentil de comparer mon physique à celui de ces jeunes filles, mais on ne se ressemble absolument pas, et je n’apprécie pas non plus ces machos avec qui elles sortent. (Le mien me suffit, dans un autre genre …quoique s’il en avait les moyens…)

   Mais je me retrouve quand même à me justifier de tout et de rien, à me défendre d’actes que je n’ai pas commis. Et quand bien même les aurais-je commis ?!? Ce qui implique aussi que je dénigre une fois de plus des personnes et des modes de vie différents du mien, alors que ma nature n’est pas de juger les différences mais plutôt de m’en nourrir.

   Inutile de préciser que le dîner s’est trouvé écourté.

   Je me souviens du retour au camion dans une atmosphère électrique. Il installe le lit et nous nous couchons. Tout cela sans échanger plus aucun mot.

   Puis il repart marcher et me laisse seule avec mes pleurs et mon désespoir. Toujours cette incompréhension. Rien ne justifie de gâcher des instants de bonheur pareils. Surtout pas toutes ces raisons purs produits de son imagination.

   Plus tard, il revient et se remet à rouler, sans me demander mon avis. La promenade est bien loin de l’avoir calmé. En conduisant il crie sans cesse, puis m’insulte, me menace de me frapper, de me tromper. A un moment, il prend son téléphone portable et fait mine d’appeler une de ses anciennes compagnes dont je connais à peine l’existence et dont je me fiche éperdument, mais c’est humiliant. Puis, il se met à gémir qu’il n’a pas mérité ça (sous-entendu moi), puis il m’abreuve de paroles méprisantes …Et moi je me tais, j’écoute.

   En tous les cas, j’entends !

 

   Moi non plus, je ne comprends pas ce que j’ai fait pour mériter cela !?!

 

   Plus tard, on arrive dans un quartier résidentiel. Il s’arrête. Il me fait descendre du camion puis, pour me faire remonter, il me traîne par terre et me jette dedans sans jamais cesser de me hurler dessus. Cela a duré toute la nuit. Il crie, m’ordonne de descendre, me remonte. Je sais que cela ne s’arrêtera que lorsqu’il l’aura décidé. Je ne peut rien faire, et surtout pas me sauver, il me rattraperai et ce serait bien pire.

   Il avait donc pris la route du retour. La route qui domine la côte au-dessus de Grasse, inondée de soleil au petit matin. Encore une route côtière que je distingue au travers de mes larmes ! Quelle drôle de fatalité.

   Des larmes en regardant la mer ! Des larmes de nouveau, seule sur le bord de la route assise sur mon sac de voyage. Les yeux bouffis, le cerveau prêt à exploser. Je ne voyais même plus le camion, il était bel et bien parti, tant mieux, mais j’aurai été bien incapable d’aller chercher de l’aide auprès de qui que ce soit. Quelle honte à chaque fois ! Honte de l’image que l’on offre aux autres, honte surtout de ne pas être capable de s’arrêter, de savoir qu’il ne sert à rien de demander de l’aide. Tant qu’il reviendra nous chercher, on y retournera.

 

   Il est revenu. J’y suis retournée. Et nous sommes rentrés… dans sa maison.

 

   Ça, c’était le week-end en amoureux à Nice.

   En amoureux, oui, car il en faut sacrément de l’amour, pour en arriver à vivre de telles souffrances !

   Aveuglé par son mal-être, ses peurs et son manque d’assurance, il transposait sur moi tous ces comportements qui le terrorisaient. Au début, quand il se mettait à faire l’amalgame avec les personnes qui ont partagé sa vie avant moi, je ne comprenais pas et essayait de me défendre, puis de lui faire entendre raison, et enfin je jetais l’éponge et modifiait mon comportement pour lui plaire.

   J’en arrivais à le croire, a penser que c’était moi qui avais fait fausse route jusqu’à présent, tellement il était persuasif ( peut-être même persuadé) et tellement j’avais besoin de son amour.

   Et lorsqu’on prétend vous aimer autant, on ne peut pas vous vouloir tant de mal …

   L’amour. L’incompréhension. L’espoir.

   Le quotidien c’était l’enfer.

   Le quotidien c’était la peur, le calcul, l’incertitude. C’était rentrer tous les jours du travail en se demandant ce que nous réserve la fin de la journée.

   Nous vivions une telle fusion que j’avais parfois comme des flashs , et je savais ce qui m’attendais au retour. Je connaissais le prétexte à l’explosion. Je ne me trompais jamais.

   Malheureusement, il me semblait que lui aussi captais toutes mes émotions, toutes mes pensées,et ce sentiment que l’autre peut lire dans toutes vos pensées et s’en servir pour vous faire du mal … Plus de jardin secret, plus aucune intimité avec soi-même. Lorsque me venait une pensée dont je savais qu’il ne l’apprécierai pas, c’était la panique dans ma tête. Lors de nos disputes, je m’interdisais toute idée négative à son encontre, tout restait au plus profond de moi.

   Le quotidien, c’était aussi tout centraliser sur les 24 heures où il était absent de la maison pour son travail, afin de pouvoir être les 48 heures suivantes à son entière disposition. Les papiers, le ménage, le repassage, le bricolage lorsque j’étais seule… Et avec lui se promener, être belle, l’aimer … et se disputer ! Ah! J’allais oublier : beaucoup, beaucoup de temps à écouter les discours interminables dont j’ai parlé plus avant ! Les leçons de morale.

   Je me souviens de courses-poursuites dans les rues de ma ville, et des insultes dont tout le monde pouvait profiter. Quelle humiliation là encore !!!

   Ma ville, que j’avais dû occulter puisque faisant partie de mon passé. Trente ans de mon existence. Je l’ai parcourue à pied, en voiture, dans tous les sens je la connais ! Par cœur ! Mais j’ai du oublier le nom des rues, oublier mes itinéraires pour emprunter les siens, avoir l’air perdue lorsqu’il ne m’indiquait pas le chemin. Si je l’avais connu, cela aurait été parce que j’y étais passée avec un autre homme, et ça …! !!

 

   Difficile à croire, n’est-ce pas ?!?

 

   J’évitais de croiser les regards en ville, pour ne pas tomber sur une copine témoin de mes soi-disant « nombreuses frasques » (?) ou pire encore, un homme, acteur parmi tant d’autres, de ces fameuses « frasques ».

   Le plus dur était lorsque nous croisions ou côtoyions des hommes noirs. La personne qui l’a précédé dans mon cœur l’était et n’a jamais cessé de déclencher d’énormes scènes de jalousie. Il m’a obligée à renier cet amour, et plus encore, à « cracher » dessus. Encore une fois, complètement à l’opposé de mes convictions.

   « Cul à nègre », j’ai entendu!!!

   Le « nègre » lui, m’a toujours parlé avec un immense respect et ne s’est jamais permis aucune grossièreté en ma présence.

   Je regrette l’attitude que j’ai eu par la suite avec lui.

   Je regrette tout ce que j’ai fait de contraire à ma nature.

   Hormis les courses-poursuites dans les rues de la ville (entre autres), je dois avoir fait le tour des événements les plus importants de notre vie commune. Il me semble que cela donne une idée assez précise du quotidien des femmes battues, même si je suis bien consciente que je n’ai pas vécu le pire. Certaines femmes souffrent beaucoup plus que je n’ai souffert. Jusqu’à la mort !!! Mais le schéma reste toujours le même et il est important de le comprendre et surtout d’en parler, toujours parler de tout, pour mettre toutes les chances de son côté et ne jamais vivre de pareilles horreurs.

   J’ai oublié de citer mes amis (auront-ils encore envie d’en faire partie ?) avec qui je n’ai plus de contacts.

   S., M., le dernier appel téléphonique avec elle m’a valu une gifle magistrale. F., qui me manque tellement. Mais j’avais si peur de son jugement et de son franc-parler, je n’ai jamais voulu qu’ils se rencontrent avec S.

   G. aussi, et nos interminables discussions. Toute sa gentillesse. Mais bon ! Un homme quand même …!!!

   Pour tout ça aussi, des regrets et de la honte.

   

 

   Une partie rien que pour les enfants, ils le méritent tant !

   Rapidement, la façon dont j’élevais mes enfants a été un sujet de discorde.

   Mise en condition avec les phrases couperet de ce style : « Ça, jamais je ne le supporterai, il va falloir que ça change ! »

   La rivalité qu’il a installé entre lui et eux. Il fallait qu’il soit, non seulement le premier dans mon cœur, mais aussi l’unique. Mes enfants n’y ont pas échappé. Il me répétait sans cesse qu’il me fallait faire un choix. Lui ou eux…! Lui ou ma famille…! Lui ou mes amis…!

   C’est vrai qu’avec les enfants, avec la famille, avec les amis, tout n’était pas parfait. Est-ce que ça l’est jamais ? La fatigue, le besoin de tranquillité, de stabilité…Il a réussi. J’ai fait miens ses arguments et je l’ai suivi.

   Pauvre folle !!!

   J’ai quitté notre appartement sans les consulter, pendant leur séjour chez leur père. (leur retour de vacances a dû être une sacré surprise, j’en ai déjà parlé.)

   Changement de ville, d’amis, vivre sous le toit d’un homme qui avait la prétention de remplacer leur père.

   Mais pas le meilleur père qui soit ! Un père excessif, autoritaire, intolérant et très jaloux. Un père violent. Je n’ai d’ailleurs plus eu le droit de croiser le vrai, ni de lui parler. Pas très pratique pour élever des enfants !

   Au début, mon ex-mari et moi faisions un « échange d’enfants » tous les quinze jours, dans la rue, chacun dans son véhicule. Et puis les deux hommes (je n’avais plus aucun mot à dire) se sont entendus pour que les enfants retrouvent leur père devant la maison. Mais je me souviens d’altercations verbales et physiques devant la maison, et aussi devant ces derniers.

 

   Un jour, alors que les enfants étaient chez leur père, une dispute a éclaté entre S. et moi. Il m’a collée contre le mur avec un air terrifiant en me hurlant qu’il allait y aller et qu’il allait éclater la tête de S., mon fils de 11 ans.

   Je me souviens que c’est ce jour où j’ai commencé à avoir peur de sa violence physique, ce jour où pour la première fois de ma vie, je me suis tue et j’ai baissé les yeux. Plus d’échanges jusque dans les disputes. C’est lorsque l’on commence à avoir peur que l’on devient une femme soumise, une « femme battue ».

   Il y est allé et lorsqu’il est revenu, ils étaient apparemment tous d’accord, lui, mon ex-mari et sa concubine, les grands-parents, sur le fait que j’étais une mauvaise mère.

Quelle humiliation… Une fois de plus !

 

   Nous avons aménagé une chambre pour M., ma fille, mais sans la consulter, ne serait-ce que pour la couleur de la tapisserie. Il était inconcevable de demander son avis à un enfant, en tout les cas aux miens. Mon fils, lui, campait dans une pièce pas terminée, avec aucun moyen de se l’approprier. De toute façon, ils n’avaient pas le droit d’y jouer, tout bruit de leur part était proscrit. Casser quoi que ce soit les terrifiait. J’ai vu S. un jour jeter des regards apeurés autour de lui alors qu’il avait juste fait tomber un verre vide sur la table, sans rien casser. Mais malheureusement sa peur était justifiée.

 

   Leur place est devenue dehors, à table pour prendre leurs repas tous les deux seuls dans la cuisine (nous, mangions dans le salon) et dans leur chambre à lire avant de dormir. Je ne suis pas une adepte de la télévision pour les enfants, mais combien de jolis films ou dessins animés, d’émissions intéressantes se sont passés sans eux ?!?

 

   J’ai oublié toute démonstration d’amour à l’égard de mes enfants, même lorsque S. n’était pas là, je restais froide et distante avec eux, terrorisée à l’idée qu’il ne décèle un rapprochement dans leur comportement quand il rentrerait. Plus de mots doux, plus de câlins ni même de marques d’intérêt.

 

   Lorsqu’ils rentraient de week-end avec leur père, nous arrivions systématiquement en retard, et si ce dernier avait le malheur de ne pas vouloir les laisser rentrer à la maison tant que nous n’y étions pas nous-mêmes, il fallait attendre plus loin qu’il veuille bien partir.

 

   Leur nom de famille, évidemment le même que celui de leur père, leur identité, n’avait pas le droit d’être. Ils n’ont jamais eu leur nom sur la boîte aux lettres, j’étais obligée d’ouvrir le courrier qu’ils recevaient avant de le leur remettre. J’ai été jusqu’à gribouiller un de mes sacs de voyage sur lequel avait été inscrit leur nom après des vacances en colonie.

 

   Il lui est arrivé plusieurs fois de me hurler que mes enfants étaient des bâtards alors que ces derniers étaient dans la maison.

 

   Combien de fois ont-ils probablement été réveillés par des cris ou des pleurs en plein sommeil ! Je me souviens de tellement de matins où je suis partie travailler les yeux gonflés d’avoir si peu dormi et tant pleuré. Ils ont forcément entendu quelque chose.

 

   Il y a eu aussi tous ces moments, dont j’ai déjà parlé, où, sur le point de partir pour un rendez-vous quelconque, il se mettait à parler, à faire la morale à l’un de nous, ou aux trois à la fois, pendant des minutes interminables. Il n’était pas question de le couper dans son élan sous peine de représailles.

 

   Je crois qu’un des plus mauvais souvenirs de ma vie, encore un que je n’arrive pas à chasser de mon esprit, c’est-ce jour, où, pour une raison certainement ridicule que j’ai oubliée, il nous a empêchés de partir pour nous faire vivre cette horrible scène.

   Je me souviens être rentrée dans la maison, j’étais assise et pleurais en l’entendant hurler après les enfants dans le garage, impuissante. Il leur criait de venir s’excuser auprès de moi. S’excuser de quoi ?!? De vivre, probablement ! M., petit bout de sept ans, s’est plantée en pleurant devant moi et s’est excusée. Je l’ai prise dans mes bras, impuissante, en lui disant qu’elle n’avait rien fait.

 

   Je n’étais même pas capable de les défendre ! Tétanisée par la terreur !

   Quel cauchemar !

   Je ne crois pas qu’il y ait une journée que je vive sans cette image à mes côtés.

 

   Toutes ces fois où nous roulions en voiture tous les trois et où je ne savais plus s’il fallait rentrer ou pas ! Et sinon où aller ?

Je me souviens avoir crié après mon fils que je ne supporterai pas que par sa faute je sois obligée de quitter S.

 

   Comme s’il était responsable de toutes ces horreurs !

 

   Alors c’est mon fils qui est parti. Il est allé vivre avec son père.

 

   Ça a été une décision difficile à prendre pour nous deux, mais je suis persuadée que c’était la meilleure. Nous avons fait le bon choix, aujourd’hui les résultats le prouvent, et moi, je savais mon fils en sécurité. Protégé de S., mais de moi aussi. C’est vrai que je ne me comportai pas en mère idéale à cette époque.

 

   M. est restée seule avec nous, S. était plus calme avec elle mais elle a quand même été privée de voir son frère pendant trois mois suite aux conflits avec leur père ( dont je n’avais pas le droit de prononcer le prénom).

 

   Aucune photo du passé. Les dernières oubliées dans un carton, lorsque je les ai trouvées, j’ai été prise de panique et je les ai toutes déchirées, terrorisée à l’idée qu’il arrive à ce moment-là.

 

   Nous étions toujours sortis lorsque M. rentrait de l’école et elle attendait toute seule dans la maison quasiment pas éclairée pour ne pas gaspiller l’électricité.

 

   Un jour où nous étions partis passer la journée à Grenoble, nous avons eu un accrochage avec une jeune femme. Cette dernière, pas très débrouillarde mais très jolie. Et là, S., d’ordinaire bien loin d’un civisme excessif au volant, mielleux, serviable, n’arrête plus de palabrer autour du constat. Son camion abîmé relégué au second plan. Je me suis pourtant fait suffisamment hurler dessus les jours où, ivre de colère, il accrochait le rétroviseur ou évitait de peu l’accident.

   M. aussi, reléguée au second plan. Je bouillais de le voir faire. Je n’osais même pas lui demander son portable, sachant à l’avance que j’allais me faire rabrouer.

   Plus tard, bien plus tard, j’ai quand même réussi à le faire arrêter près d’une cabine téléphonique, et là, je n’arrive pas à joindre M.. C’était pourtant l’hiver, et la nuit tombée depuis un moment. Inutile de préciser l’angoisse tout le long du retour. Pendant 80 kms. Mais le plus difficile est de ne pouvoir l’exprimer sous prétexte de sensiblerie, d’être obligée de cacher mes craintes et de faire comme si de rien n’était. D’autant plus difficile qu’il « levait le pied » dés lors que l’on était sur le chemin du retour. Il fallait systématiquement que les enfants attendent.

 

   Des fois qu’ils se sentent des personnes importantes…!!!

 

   Enfin la maison! Et là, tout est éteint ! Puis M. est arrivée encadrée par de grandes jeunes filles. Elle avait eu un souci avec ses clés et les voisines s’étaient occupé d’elle. Moi rassurée, mais morte de honte ! Que devaient penser les voisins d’une mère telle que moi ?!? A raison !

 

   D’habitude, je ne fais rien dont je puisse avoir honte, alors le regard des autres m’importe peu, mais toute cette période, j’ai mal agi avec mes enfants et je ne m’excuserai jamais assez auprès d’eux. Entre autres personnes d’ailleurs.

   Je dois dire que les voisins n’étaient peut-être pas surpris. Ils ont dû nous entendre hurler et moi pleurer tellement de fois. Difficile de ne pas être au courant.

   Je me suis souvent retrouvée enfermée à l’extérieur, pleurant, nue dans le jardin.

   La nudité aussi c’est très humiliant parfois ! Déjà dans le jardin sans la possibilité de rentrer. Mais je me revois aussi jetée à terre en bas de la descente d’escaliers dans le salon dans la même tenue. Ses hurlements et pas le droit de me relever !!!

 

   Comment ai-je pu pardonner tout ça !?!

 

   Parce qu’un jour je l’ai pardonné et que je lui ai laissé une seconde chance, par amour. Par grand amour! Et j’ai cru un moment ne pas m’être trompée. Mais pour l’instant il me fallait partir !

 

   Il m’aura fallu du temps pour réussir à le quitter. Plusieurs tentatives.

 

   Une première fois, nous étions en promenade dans la montagne à environ 1h30 en voiture de la maison. Une scène encore! Mais cette fois-ci, c’était moi qui conduisais et il est sorti de la voiture.

   Il faisait souvent ça aussi. Il s’en allait à pied où que l’on soit, en ville aussi bien qu’à la campagne, et moi je le suivais en le suppliant de remonter dans la voiture. Seulement ce jour-là, je me suis permis de me mettre en colère et de l’insulter à mon tour, à sa manière.

   C’est difficile de se rabaisser ainsi mais plus efficace. La violence, tant verbale que physique est malheureusement un mode de communication à part entière chez certaines personnes. Il faut juste admettre que c’est un passage obligé pour arriver à se faire comprendre.

   Je suis partie. Non sans avoir d’abord fait demi-tour pour le récupérer, mais il avait dû se cacher pour que je parte à sa recherche, alors je suis partie. En pleurs !

   Sur la route, en ville, dans les embouteillages, je pleurais sans cesse en répétant le prénom de M.. J’avais très peur qu’il n’arrive à la maison avant moi par je ne sais quel moyen et je voulais à tout prix récupérer ma fille et partir. Après tout ce que je lui avais dit, je l’imaginais m’attendant à la maison, nous y enfermer pour nous faire vivre les pires horreurs dont il était capable.

 

   Que la route a été longue !!!

 

   Mais rien de tout ça !

 

   Je suis arrivée, j’ai pris M. et nous sommes allées chez ma mère.

 

   Le lendemain il est venu nous chercher, simplement, visiblement content de nous voir. Juste surpris de ne pas nous avoir retrouvées l’attendant tranquillement à la maison la veille. Il nous a raconté en riant la façon dont il s’était débrouillé pour rentrer.

   Nous l’avons suivi, simplement.

 

   Une autre fois, je me souviens m’être retrouvée chez M., mon amie, la seule que je continuais de voir régulièrement. 20 ans d’amitié, je crois qu’à elle, il n’a pas osé « s’attaquer ». Cela aurait été trop flagrant.

 

   J’avais caché ma voiture dans une ruelle plus loin et à un moment, nous l’avons vu passer devant l’appartement tout doucement. Il n’a pas osé s’arrêter car M. lui avait dit lorsqu’il l’avait appelée ne pas m’avoir vue, et le soir nous sommes allées manger à l’extérieur, dans une autre ville. Je n’étais pas tranquille et ça a été tout un périple pour aller jusqu’à la voiture tant j’avais peur qu’il nous surveille. Pourtant à plusieurs reprises dans la soirée, j’étais saisie d’angoisse, comme des crises de manque, physiquement. En fait, il était ma drogue ! Il me détruisait petit à petit.

 

   Je savais que j’allais y retourner.

 

   Le lendemain matin, il est venu me chercher. Toujours tranquillement. Comme une évidence. Il m’a prise dans ses bras, sans rien dire…Et je suis repartie avec lui.

 

   Deuxième essai raté !

   Et puis cette fois-ci, cruciale, la dernière ! Un de ces moments de la vie où tout bascule, il faut juste que ce soit du bon côté ! Ce n’est qu’une question de choix. Mais il faut faire le bon, rapidement. Sinon, plus de retour possible. J’ai de la chance. J’ai toujours fait les bons choix jusqu’à présent.

   C’était une période de rémission. Le calme avant la tempête en fait. J’avais l’impression de retrouver un peu de liberté. J’avais même, pour la première fois, invité une copine de travail à la maison.

   Mais voilà ! Je me suis vite souvenue pourquoi je m’étais coupée de l’extérieur.

   Plus tard, nous avons été invités à une soirée par une amie à moi, pour faire partie d’un panel de consommateurs. Une expérience intéressante. Et surtout, j’étais contente de pouvoir voir du monde et discuter. Une fois là-bas, mon amie a voulu reprendre nos coordonnées pour nous inscrire à la réunion et là, elle s’est trompée et allait machinalement noter le nom de mon ex-mari. Sur le coup, j’ai craint la réaction de S., mais rien. Quel soulagement! Il semblait que l’on pouvait enfin vivre normalement. La soirée s’est bien passée.

 

   Le mal a pris le temps de mûrir. Et il a explosé. Une véritable « bombe à retardement ». C’était pourtant juste un nom de famille !

 

   Le lendemain après-midi. On étais dans la voiture et là encore c’est moi qui conduisais. Tant mieux ! Une façon de garder le contrôle.

 

   Le prétexte est sans importance. Il est soudain devenu fou ! Tout son corps tremblait de haine et de violence ! C’était effrayant !

 

   J’ai déjà vécu le même type de situation et à ce moment, j’avais trouvé la meilleure parade.

 

   Tout a finalement une raison d’être, toute expérience, même celle qui nous paraît la plus mauvaise est là pour nous être utile un jour si nous savons être à l’écoute.

   Vider son cerveau en totalité. Ne plus laisser transparaître un sentiment quel qu’il soit. Ni dans les gestes, ni dans la voix. Et surtout pas dans les yeux. Vides les yeux ! Ne plus regarder qu’à l’intérieur de soi. Pour tout contrôler, car le moindre geste, le moindre regard peut trahir une émotion. Et toute émotion est sujette aux reproches. Et prier ! Prier pour que cela s’arrête, prier pour trouver le moyen de s’en sortir !

   Il a voulu que je l’amène au supermarché pour qu’il puisse faire une course. Je l’ai attendu dans la voiture et pendant ce temps, j’ai épluché toutes les solutions.

   J’ai bien pensé laisser la voiture et m’enfuir, mais pour aller où ?!?

   Déjà une bonne chose, c’était un week-end où les enfants étaient chez leur père. C’était un samedi et j’avais presque deux jours devant moi. Hormis ces quatre jours dans le mois, j’étais comme pieds et poings liés.

   Je savais que j’étais prête aussi, prête à partir. Quelques temps auparavant, j’étais allée voir mon médecin qui m’a laissée prendre des anti-dépresseurs afin qu’ils reposent mon cerveau et me permettent d’avoir un regard objectif de ma situation, me permettent de faire le bon choix au bon moment.

 

   C’était le bon moment ! Mais comment faire ?

 

   Trop tard ! Il est revenu et je ne savais toujours pas. Nous avons recommencé à rouler sans un mot et je ne voulais surtout pas rentrer. Une fois dans la maison, je serai coincée, plus aucune possibilité de partir et je savais que dans l’état où il se trouvait, un point de non-retour, il me tuerait, vraiment ! Rien dans la vie n’arrive que chez les autres.

 

   Ce jour-là, je n’avais plus d’autre choix que celui de partir. Mais comment ?!?

 

   Je suis restée calme et j’ai continué à rouler. J’ai pris la route de la montagne. A petite vitesse. Je savais qu’il aimait cette route, que ça le détendrait, et moi, j’avais du temps, tant qu’on roulait, pour réfléchir et décider.

 

   Mais jamais il ne me laisserait partir.

 

   Puis la boucle a été bouclée. Nous sommes arrivés dans le village et je n’avais plus aucun espoir. Alors il m’a demandé de l’arrêter à la pharmacie. A 300 mètres de chez lui. Je l’ai arrêté, tranquillement, docilement. Mais dans ma tête, tout le contraire de la tranquillité. C’était maintenant ou jamais ! Aussitôt qu’il est rentré dans la boutique, fini la réflexion, je suis partie, vite, sans regarder derrière, je me suis enfuie.

   Ce jour-là, je sais que j’ai échappé à la pire des issues, l’ultime.

 

MERCI MON DIEU!

   Retour chez M. , mon amie.

   Elle a tout fermé chez elle. Portes et volets, et elle est partie jusqu’au soir pour laisser croire qu’il n’y avait personne.

   Je suis allée dans la chambre de sa fille.

   Et là, seule, prostrée, en boule par terre au fond de la pièce la plus au fond de l’appartement, portes et volets fermés, dans le noir, je tremblais.

   Je ne sais pas combien de temps je suis restée comme ça, à l’affût du moindre bruit. Plusieurs heures peut-être ! Probablement les plus longues de ma vie !

 

   Après je ne sais plus.

 

   Le lendemain, je suis allée chez ma mère et il m’a envoyé un ami à lui pour me convaincre de revenir. Lorsque j’ai donné quelques détails éloquents à J.P., quelqu'un que j’apprécie beaucoup, il n’a pas insisté et est reparti dans l’autre sens pour tenter d’expliquer à S. de me laisser tranquille, que ses actes étaient impardonnables.

 

   Pour moi, c’était fini.

 

   J’ai toujours tenu les promesses faites à mes enfants et je m’était servi de M. comme garde-fou. Je lui avait promis que la prochaine fois que je partirai serai la dernière. Je suis allée les chercher tous les deux chez leur père et leur ai clairement tout expliqué.

   Plus tard, S. m’a appelée pour me dire qu’il partait plusieurs jours chez sa sœur en Corse pour que j’ai le temps de déménager en sécurité. Il avait compris ma détermination, retrouvé son calme. La mer entre nous, j’étais tranquille.

 

   Et là s’est opéré la magie de la vie!

 

   « Aides-toi et le ciel t’aidera ! » dit le proverbe.

 

   J’ai fait le premier pas et le reste a suivi.

 

   Le contrat que j’avais dans l’entreprise où je travaillais à l’époque a été prolongé de dix-huit mois et cela m’a permis de retrouver un appartement quinze jours plus tard. Un petit nid chaleureux et accueillant dans un quartier que j’aime, de ma ville, proche de l’ancienne école de M.. Cette dernière a terminé son année scolaire là où elle était puis repris le cours de sa vie avec ses copines de toujours l’année suivante après que la dérogation que j’avais demandée ait été acceptée.

 

   « Aides-toi et le ciel t’aidera!!!

 

   Par la suite, il a suivi une thérapie. J’ai trouvé cela rare et courageux de la part d’un homme alors nous avons recommencé à sortir ensemble, mais chacun chez soi.

 

   Cela a duré dix-huit mois. J’en ai profité pour me reconstruire psychologiquement, reprendre confiance et redonner confiance et Amour à mes enfants. Les rapports sont rapidement redevenus conflictuelles, mais plus de violences physiques, j’avais réussi à changer les règles du jeu… au moins en partie.

 

   Pour moi, cela était essentiel que cette reconstruction se passe en sa présence. C’est lui qui a modifié son comportement et cela nous prouvait, s’il y avait lieu de le prouver, que c’était lui qui était en faute malgré ce qu’il me disait fréquemment :

   « Parce que c’est moi le coupable …? »

 

   J’avoue que j’étais fière de nous, j’ai bien cru qu’avec beaucoup d’amour, on pouvait arriver à déjouer les pièges de la violence.

   Nous avons repris la vie commune, dans une maison achetée ensemble par contre. Cela a duré un peu plus d’un an. Les deux derniers mois ont été un enfer pour M. et moi, jusqu’à ce que nous partions avec les gendarmes.

 

   Je ne crois plus à la reconstruction de tels couples.

 

   Une seule issue : respecter la loi et porter plainte. Tout laisser derrière, cela ne pourra qu’être mieux qu‘avant.

 

   La plus importante des règles : parler, sortir de sa solitude, aller vers les autres, ils seront là. Ne pas avoir honte, il n’y a pas lieu.

 

NE CESSEZ JAMAIS DE PARLER !

 

   Aujourd’hui, plus de regrets, plus de honte.

 

Juste une grande leçon de vie et l’envie de partager ma joie de vivre avec les autres. D’aider toutes ces femmes à ne plus avoir peur, à avoir confiance en elles.

 

 

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emmanuelleetmichael